Mix IT 2025

Une équipe de Peaksiens se sont rendues comme chaque année au Mix IT, la conférence pour l’éthique et la diversité dans la tech. Sylvain, développeur front @Peaks Lyon revient sur la conférence qui l’a le plus inspiré.
Accessibilité numérique : ce que le jeu vidéo peut nous apprendre
Dernière conférence de la journée. Après une édition dense, rythmée par des interventions passionnantes et quelques crêpes bien méritées, je tombe un peu par hasard sur une conférence au titre intrigant :
« Succès débloqué : rendre son jeu vidéo accessible »
Alors que les exigences réglementaires se renforcent en Europe et que les interfaces deviennent toujours plus immersives, la question n’est plus « faut-il faire de l’accessibilité » ? mais plutôt « comment en faire un levier de qualité dès la conception »?
En tant que développeur front passionné par les interfaces, j’étais curieux de voir ce que l’univers du jeu vidéo pouvait m’apprendre sur un sujet que je considère central.
D’autant plus que j’aime explorer des terrains créatifs comme Three.js, où ce sujet reste largement en friche.
Accessibilité : bien plus que des contrastes
La conférence, animée par Noelie Roux (Game’Her) et Yasmine Messaoudi, démarre par un rappel fort : l’accessibilité concerne tout le monde.
Un bras cassé, un bébé dans les bras, une extinction de voix, un environnement bruyant ou une phobie : autant de situations qui montrent qu’aucun utilisateur n’est “parfaitement valide” en permanence.
Et surtout, l’accessibilité ne se limite pas à une question de contraste ou de taille de police. Elle touche aussi la navigation, le langage, l’audio, le contexte d’usage, la perception, l’attention…
Les cinq axes fondamentaux :
- Moteur : difficulté à manipuler un périphérique
- Vision : daltonisme, cécité, fatigue visuelle
- Audition : surdité, bruit ambiant
- Elocution : aphasie, mutisme temporaire
- Cognition : troubles de l’attention, phobies, stress
Des solutions concrètes et transférables
A chaque difficulté, des réponses possibles, souvent inspirantes même hors du monde vidéoludique.
- Moteur : manettes adaptables (PlayStation Access Controller) / remappage des touches / espaces de test comme le Discovery Accessibility Center
- Vision : filtres daltoniens, texte ajustable / ajout de pictogrammes ou symboles distinctifs, compatibilité lecteur d’écran, retour sonore
- Audition : Sous-titres enrichis, identification de l’interlocuteur/ interprète LSF intégrés (Forza Horizon 5)
- Elocution : messages prédéfinis via raccourcis / allégement de la pression orale dans les chats vocaux
- Cognition : avertissements avant stimuli sensibles / réglages anti phobies visuelles (ex araignées transformables)
Des jeux comme The Last of Us Part II sont devenus des références. Ces pratiques désormais trouvent des échos puissants dans le monde du web.
Le curb cut effect
Comme les trottoirs abaissés utiles à tous, les fonctionnalités d’accessibilité améliorent l’expérience globale. Permettre de jouer ou de naviguer sans son, sans voir, sans parler bénéficie à plus de monde que nous nous l’imaginons.
Une prise de conscience personnelle
J’ai moi-même rencontré ce problème : sur une scène WebGL narrative et interactive conçue avec Three.js, tout reposait sur la souris.
C’était un environnement immersif avec interactions à la volée : clics, survols, transitions visuelles.
Mais pour quelqu’un n’utilisant qu’un clavier ou un lecteur d’écran, l’interface était littéralement muette. Aucun focus, aucune navigation, aucun retour vocal ou visuel.
Je m’étais appliqué à créer une scène belle, fluide, immersive… mais elle était aveugle, sourde, verrouillée.
Une scène “intuitive”, mais injouable pour beaucoup.
Depuis, je me pose systématiquement cette question dès la conception, aussi bien sur la conception d’interfaces 2D que 3D : que va-t-il se passer si l’utilisateur ne peut pas pointer ou cliquer ?
Et vous ? Dans votre dernier projet, avez-vous testé la navigation clavier, activé un lecteur d’écran ou simplement vérifié que vos contrastes étaient lisibles en plein soleil ?
Du jeu à l’interface web : une transposition naturelle
Même si cette conférence visait le jeu vidéo, la transposition au web m’a semblé évidente.
Interactions, navigation, retours sensoriels : les mécaniques sont proches, et les obstacles similaires.
Un terrain encore peu outillé côté WebGL
Dans des contextes immersifs comme ceux de Three.js, les outils sont encore peu matures.
Peu de projets 3D gèrent le clavier, le focus, le son alternatif.
Sur threejs.org, la quasi-totalité des démos supposent un usage parfait de la souris.
Les référentiels (RGAA, WCAG) progressent, mais restent encore peu adaptés aux interfaces temps réel, spatialisées, immersives.
Il faudra repenser l’accessibilité du mouvement et de la narration interactive.
Un enjeu éthique, mais aussi légal (et business)
Entre la loi pour une République numérique, la directive européenne sur l’accessibilité et les exigences du secteur public, l’accessibilité n’est plus un bonus.
Mais c’est aussi un levier économique : une interface plus accessible améliore le SEO, réduit le taux de rebond, augmente la portée et l’engagement.
Pourtant, dans beaucoup de projets, elle est encore abordée trop tard.
Quand on l’intègre tôt, on y gagne sur tous les plans.
Et les guidelines, alors ?
Dans le jeu vidéo :
Sur le web :
- axe DevTools, Lighthouse, Wave
- Documentation et guides de GOV.UK, Mozilla, EDF…
Et enfin, le dépôt partagé par Noelie Roux :
👉 github.com/Noelierx/accessible-gaming-achievement
Par où commencer ?
- Vérifiez la navigation clavier avec tabindex= »0″ et un focus visible
- Lancez un lecteur d’écran (NVDA sous Windows, VoiceOver sur macOS)
- Utilisez la checklist de A11y Project en phase de maquettage
- Inspirez-vous de sites accessibles comme GOV.UK Design System
- Et côté design, anticipez dès les maquettes : contraste suffisant, lisibilité, hiérarchie claire, retour utilisateur explicite
Conclusion
Concevoir pour tous, tout le temps !
L’accessibilité n’est ni un ajout de dernière minute, ni une contrainte.
C’est un levier de qualité, d’inclusion, de performance et d’innovation.
Même si je ne conçois pas de jeux, je construis des interfaces. Et je continuerai à intégrer ces réflexions dans mes projets.
Y compris dans mes expérimentations immersives avec Three.js, où penser accessibilité dès l’origine reste un défi stimulant.
Je prévois d’intégrer une check-list simple à mes prochaines scènes interactives, pour ne plus négliger ce qui devrait être central.
Et surtout : aucun outil ne remplace les retours des premiers concernés.
Faire tester nos interfaces à des personnes en situation de handicap est la meilleure garantie d’un design réellement inclusif.
Et si votre prochaine interface pouvait être plus accessible sans être plus complexe ?
Si chaque membre de l’équipe (développeur, designer, product owner … ) intègre ces réflexes dès le départ, on construira des expériences plus belles. Parce qu’utilisables par toutes et tous.